Luz del Mundo, une église mexicaine en francophonie

Focus sur « Lumière du Monde », Luz del Mundo en espagnol, une Eglise mexicaine dynamique et prosélyte qui cherche aujourd’hui à développer son ministère dans l’espace francophone.

Entre Noël 2018 et Nouvel An 2019, les abords du Forum des Halles, à Paris, grouillent de monde. Non loin de la devanture de Pizza Hut, voici qu’une chorale tranche avec l’ambiance consumériste. Elle chante, en espagnol et en français, des hymnes chrétiens. Plusieurs choristes évoquent des traits précolombiens, aztèques, d’autres pourraient être espagnols. Souriants, deux fidèles distribuent des tracts tout autour.

Sur le prospectus qu’ils vous donnent, en français, on annonce « La lumière du monde », «la renaissance de l’Eglise de Jésus-Christ». On y propose aussi des temps de prière trois fois par jour (à 5h, 9h et 18h) et un culte dominical à 10h du matin. Qui sont ces chrétiens latinos ?

Cette Eglise n’est autre que «Lumière du Monde Paris», Luz del Mundo en espagnol, une Eglise mexicaine basée depuis quelques années à L’Haÿ-les-Roses, qui cherche aujourd’hui à développer son ministère dans l’espace francophone, et en région parisienne en particulier. Son Eglise-mère défend un christianisme primitiviste, sans représentation de croix ou d’images religieuses. Elle est basée à Guadalajara (Mexique). Fondée sur l’annonce de l’Evangile, la prédication de la Bible, la conversion et l’engagement, elle fait penser à l’identité protestante évangélique. Chaque 14 février, elle promeut une « cérémonie internationale du baptême », comme en 2016, où elle proclame en français, sur sa page Facebook : « il manque de la lumière dans le monde… nous ‘allons l’amener ».

L’Eglise mexicaine Luz del Mundo est aussi présente à Marseille, où elle envoie son « bataillon de missionnaires » (cf. la formule qu’elle utilise) chanter l’Evangile dans les parcs et les rues de la ville. Dynamique et prosélyte, elle prêche que « le temps du salut est arrivé », et cible la France et la francophonie comme un nouveau terrain de mission. Les fidèles, hispanophones, apprennent ainsi la langue française, non seulement pour s’adapter au pays, mais pour y « faire des disciples » francophones.

Cette Eglise s’inscrit dans un mouvement : celui de la projection missionnaire des nouveaux christianismes mexicains. En 1970, 96% de la population mexicaine se réclamait du catholicisme. Aujourd’hui, moins de 80% resteraient rattachés à l’Eglise dominante. Cela reste énorme, mais la tendance est à la décrue, et à la recomposition au profit d’autres Eglises. Environ 10 à 15% de la population mexicaine aurait rejoint le protestantisme, principalement sous ses formes évangélique, pentecôtiste, charismatique. Ce dernier défend le choix individuel et la compétition des offres de salut. Mais faut-il pour autant le résumer à un cheval de Troie du néolibéralisme[1]? Les fidèles ne sont pas tous idiots, ou manipulés par un nouveau consumérisme religieux. S’ils rejoignent ces Eglises, c’est qu’elles offrent aussi, et surtout, un christianisme communautaire, fervent et adapté aux demandes locales[2]. Suivant les provinces, la proportion varie. La tendance générale est à la surreprésentation pentecôtiste dans les régions aux marges, comme le Chiapas. Une part de ces nouveaux chrétiens non-catholiques se retrouve aussi, depuis quarante ans, dans des Eglises endogènes qui ne cadrent pas vraiment avec les étiquettes classiques que nous collons. C’est précisément le cas de l’Eglise mexicaine Luz del Mondo, aujourd’hui présente en France.

Issues du protestantisme évangélique, des Eglises prophétiques

A l’image de nombreuses Eglises chinoises et africaines, l’Eglise Luz del Mondo est une Eglise prophétique. Fondée en 1926 au Mexique, elle est chrétienne, issue du protestantisme évangélique, mais ne rentre pas tout à fait dans les catégories existantes. Elle se réclame en particulier de l’enseignement de Aaron Joaqin Gonzalez (1896-1964), Samuel Joaqin Florez (1937-2014) et Naason Joaqin Garcia (né en 1969), considérés comme des apôtres modernes. Combinant identité chrétienne de type protestant et éléments prophétiques originaux, dont une approche non-trinitaire de Dieu, elle participe aux recompositions postcoloniales du christianisme. Au côté du catholicisme, du protestantisme, de l’orthodoxie, il faut compter aujourd’hui avec ces Eglises prophétiques postcoloniales. L’espace francophone, parmi d’autres, en fournit aujourd’hui de plus en plus d’exemples : on ne peut plus parler de cas isolés, mais d’une tendance de fond, qui redessine le christianisme aux couleurs du XXIe siècle et évangélise sans complexe les grandes métropoles.

[1] Jesus Carcia-Ruiz et Patrick Michel, Et Dieu sous-traita le Salut au marché, De l’action des mouvements évangéliques en Amérique latine, Paris, Albin Michel 2012.

[2] Dinorah Mendez, Evangelicals in Mexico, Their Hymnody and Its Theology, Peter Lang, 2008.