Hortense Karambiri, l’expertise et la foi

Une personnalité burkinabè de premier plan a su concilier une formation d’excellence et un sens aigu de la vocation chrétienne.

L’expertise et la foi ne vont pas toujours ensemble. Cette blague évangélique résume une opinion partagée : « le Titanic a été construit par un professionnel, et l’arche de Noé par un amateur ». Or le Titanic (travail de pro) a coulé, et l’arche (oeuvre d’autodidacte) a tenu bon ! Moralité : qu’importe la formation et le diplôme, c’est la foi qui « fait la différence ». L’amateurisme zélé et la seule bonne volonté seraient-ils dès lors la règle en milieu conversionniste ? Le parcours d’Hortense Karambiri au Burkina Faso apporte un démenti à cette caricature.

Haut fonctionnaire burkinabè au service du développement

Née le 6 septembre 1963 à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso (alors Haute Volta), Hortense Palm a précocement manifesté un goût et des dispositions pour les études. Après son cycle de second degré, elle se forme à l’Université de Dakar (Sénégal), puis à Montréal. Sa réussite universitaire lui permet d’entamer un parcours de haut fonctionnaire au service de son pays (Ministère des Affaires Sociales) et des organismes de développement (ONU). Ses responsabilités la conduisent au Niger, au Mali. Très sensible à l’amélioration de la condition des femmes, elle s’investit dans la prévention, la lutte contre l’excision, l’éducation. Alliant compassion et expertise, elle devient directrice nationale de la grande ONG internationale World Vision. Elle conduit de nombreuses initiatives locales de développement. Compétente, dévouée, persévérante, elle fait taire les critiques par une efficacité reconnue. Promue Conseillère Régionale pour l’Afrique de l’Ouest en genre et développement, elle paraît promise aux fonctions les plus hautes. Mais voilà, l’évolution spirituelle d’Hortense a renforcé son sens de l’appel chrétien.

Le Burkina Faso connaît alors, depuis un demi-siècle, l’essor d’un pentecôtisme marqué, dans les années 1980, par une diversification missionnaire[1]. Touchée par ces mouvements de Réveil spirituel, convaincue que le Dieu libérateur décrit dans la Bible fait toujours des miracles au travers de « l’œuvre du Saint Esprit », Hortense surmonte les défis et les épreuves de la vie par une foi chrétienne renouvelée. A partir de 2005, elle affirme que l’appel de Dieu l’oriente vers une nouvelle étape. Pour un engagement chrétien plus complet. Au Mali, en parallèle à ses activités de développement, elle met en place une cellule de maison, qui grandit au point de devenir une église locale florissante. Elle commence à partager un enseignement biblique. Sa sagesse, son charisme, son engagement et sa disponibilité rencontrent l’adhésion de nombreux fidèles. Et si un ministère chrétien à plein temps l’attendait, en dépit de tous les obstacles ? Dans des témoignages vidéos, Hortense Karambiri a expliqué avoir dû faire face au dilemme : la carrière ou la vocation ?

Pasteure, enseignante, auteure

Fondé en 1987, le Centre International d’Évangélisation (CIE) conduit par le pasteur Mamadou Karambiri, basé à Ouagadougou, constitue alors le principal moteur, au Burkina Faso, d’un réveil missionnaire et holistique issu du pentecôtisme. C’est dans ce cadre que de nombreux chrétiens du Burkina Faso apprennent à voir plus grand, et à se former. Le CIE s’ouvre alors de plus en plus aux ministères féminins. Cette évolution touche aussi d’autres milieux charismatiques issus du pentecôtisme de type ADD : les rôles attribués aux femmes ne se limitent plus à la « servante discrète » vouée aux tâches de l’ombre : on accepte désormais aussi que l’appel divin puisse mobiliser des « femmes puissantes »[2]. Hortense participe, avec beaucoup d’autres, à cette aventure revivaliste au travers des fonctions de diaconesse au CIE. Prête à un nouveau défi, elle décide finalement en 2010 de choisir la vocation plutôt que la carrière… et renonce au salaire confortable qui lui était promis. Déjà en responsabilité depuis plusieurs années d’une quasi Eglise locale, elle est consacrée officiellement pasteure au CEI le 29 mai 2010. La voilà pionnière de l’ouverture du pastorat aux femmes pour le Burkina Faso. D’autres, grâce à elle, franchiront le pas. Le même jour, cette célibataire de 46 ans s’unit par le mariage avec le pasteur et apôtre Mamadou Karambiri, veuf depuis 2008[3].

Ce double événement marque l’union de deux visions dans une même vocation. Dès lors, Hortense Karambiri va mettre ses talents et son expertise au service de l’œuvre chrétienne du CIE, aux côtés de son mari, par une activité qui combine enseignement, encadrement pastoral, travail social, et un ministère chrétien en direction des femmes. La télévision et les journaux du Burkina Faso rendent compte régulièrement de ses activités, qui conjuguent annonce évangélique et œuvre éducative et sociale d’intérêt général, pour des publics chrétiens, musulmans ou d’autres religions. Hortense voit plus loin que les frontières de son pays. Elle organise, via son mouvement francophone Femmes de Destinée, un vaste réseau international (centré sur l’Afrique de l’Ouest) de milliers de femmes désireuses de mieux se former pour développer l’Eglise.

La voir œuvrer sur le terrain, à Ouagadougou, donne la mesure de l’admiration et du respect qu’elle suscite[4]. Par son autorité dépourvue d’autoritarisme, son charisme d’oratrice et sa compétence dénuée de prétention, Hortense Karambiri s’investit sans compter. Elle donne confiance, encourage, motive, et offre aux femmes des perspectives nouvelles. Jalousée et ciblée par ceux qui ne supportent pas l’idée d’un ministère féminin d’une telle envergure, Hortense Karambiri tient le cap. Depuis 2010, cette femme pasteure burkinabè a inscrit dans la durée un engagement chrétien public au service des populations francophones d’Afrique de l’Ouest… et au-delà. On l’invite régulièrement en France, en tant qu’enseignante[5] et auteure[6]. Elle est aujourd’hui l’une des figures féminines emblématiques de cette francophonie charismatique basée sur l’appel de Joël 2, 28, dans la Bible, qui voit « fils » ET « filles » prophétiser et bâtir le Royaume de Dieu.

Les autorités du Burkina Faso, attentives à son impact social, son rayonnement en francophonie et son œuvre de longue haleine en faveur des droits des femmes, l’ont récompensée en lui décernant la distinction de Chevalier de l’Ordre National (déc. 2011), puis de Chevalier des Palmes Académiques (oct. 2014). Une reconnaissance pour l’expertise et la foi d’une femme portée par l’appel de ce cantique qu’elle aime chanter : quels que soient les obstacles, « qu’importe, moi j’irai ».

[1] Pierre-Joseph Laurent, Les pentecôtistes du Burkina Faso, Mariage, pouvoir et guérison, Paris, Karthala, 2002.

[2] Bernard Boutter, « Des ‘servantes discrètes’ aux ‘femmes puissantes’. La féminisation de l’autorité au sein de la mouvance évangélique charismatique en France », in Gwendoline Malogne-Fer et Yannick Fer (dir), Femmes et pentecôtismes, enjeux d’autorité et rapports de genre, Genève, Labor et Fidès, 2015, p.183-201.

[3] Lire « Mamadou Karambiri, ex-musulman devenu « apôtre » au Burkina Faso », Regardsprotestants.com (online le 7 novembre 2014).

[4] Cf. mission de recherche CNRS à Ouagadougou du 30 novembre au 14 décembre 2015.

[5] Elle fait salle comble lors de la conférence pour femmes 2017 de la megachurch française francilienne Impact Centre Chrétien (ICC). Organisée du 25 au 28 octobre 2017, la conférence est intitulée KHAYIL, du mot grec qui signifie « Fort, Puissant, Vaillant, Vertueux ».

[6] A dater de 2018 Hortense Karambiri a publié plus de quinze ouvrages ou brochures axées sur la vie chrétienne pratique mais aussi la doctrine (comme Le Saint-Esprit, notre Parakletos, ed. Parakletos, 2015, 156 pages).