Des Coréens face à la francophonie : quel choix d’Eglise ?

Comment les protestants coréens présents dans l’hexagone s’insèrent-ils dans le paysage ecclésiastique français et francophone ? Le point avec le pasteur Henri Chai.

Né en Corée du Sud, économiste de formation, Henri Chai a publié, en 2009, une synthèse précieuse sur les Eglises coréennes en France[1]. Alors pasteur de l’Eglise baptiste d’Arcueil Cachan, fondateur et président de l’AMI (Association pour la Mission Interculturelle, France-Corée), Henri Chai considère que la très grande majorité de la diaspora sud-coréenne présente en France s’insère dans des Eglises coréennes. Cependant, environ une centaine de fidèles échapperaient à ce schéma, et rejoindraient des Eglises composées principalement de Français métropolitains. Ils y jouent parfois la fonction de “passerelle” en direction d’un protestantisme sud-coréen transnational formidablement dynamique, notamment via des organisations de jeunesse comme le KOSTE (Korean Student Mission in Europe) et le KOSTA (Korean Students All Nations).

Des associations cultuelles en évolution

Il identifie par ailleurs 17 communautés qu’il qualifie d’ethnocentriques, en tant que “lieux de conservation culturelle et spirituelle”. Ces assemblées coréennes en France sont marquées par le primat du maintien de la langue et de la culture ecclésiale sud-coréenne, et s’adressent avant tout à la diaspora sud-coréenne présente dans l’hexagone. Cependant, aucune d’entre elle n’est “purement” coréenne. De multiples hybridations, négociations, ajustements jouent dans ces communautés, notamment via les effets de génération et le développement des couples mixtes -un conjoint coréen(ne), l’autre non-. Henri Chai signale aussi le fait qu’”environ 40% de pasteurs coréens” sont “favorables à l’idée d’introduire un jour un culte en français au sein de leur communauté, et deux d’entre eux ont même l’intention de transformer leur communauté actuelle en communauté multiethnique”. Ces assemblées sont par ailleurs très soucieuses d’être administrativement “en règle”, et fonctionnent comme associations cultuelles. Leur statut juridique s’est donc coulé dans le droit du pays d’accueil. Plusieurs d’entre elles sont également rattachées aux réseaux protestants existants, que ce soit la Fédération Protestante de France (FPF) ou le Conseil National des Évangéliques de France (CNEF). A rebours d’un fonctionnement en enclave communautaire, on voit donc jouer divers échanges avec le milieu francophone environnant, et des logiques d’évolution s’affirment, avec l’ouverture sur la seconde puis la troisième génération de Sud-Coréens installés en France.

Henri Chai nous signale par ailleurs l’existence d’une dizaine de communautés, conduites par des pasteurs sud-coréens, qui entendent explicitement développer la biculturalité, voire même l’assimilation pure et simple dans un ensemble francophone où l’identité sud-coréenne s’estompe voire s’efface. Ce pasteur sud-coréen s’interroge : “pourquoi et comment autant de pasteurs coréens de la première génération ont-ils pris la décision de travailler à la française au service des Eglises du pays, au lieu de s’attacher à des communautés ethniques ?” A cette question, l’auteur n’apporte pas d’explication unique. Mais il pointe trois éléments convergents : la formation complémentaire reçue en France, qui a ouvert ces pasteurs aux problématiques hexagonales; une longue présence en France (en moyenne, au moins quinze ans), et enfin, une conviction missiologique ancrée dans l’universalité du message chrétien pour “toutes les nations”, sans distinction, au nom d’une méta-ethnicité soudée par le nouveau référent chrétien.

Ces facteurs contribuent aussi à expliquer la dernière évolution en date : une convergence stratégique opérée, en France métropolitaine, entre certains pasteurs et communautés de Corée du Sud et d’Afrique francophone. Il ne s’agit plus ni d’assemblées ethnocentriques, ni d’assemblées mixtes et intégratives, mais de collaborations afro-coréennes assumées comme telles, pour restaurer un Évangile considéré comme largement perdu par la majorité des Français, dans un même objectif de rechristianisation de l’Europe…

[1] Henri Chai, “Les Eglises coréennes en France : histoire, identité et vocation”, Les Cahiers de l’école pastorale, n°81, 3e trimestre 2011, p.32 à 50.